Traversée Açores - Bretagne !

04 juillet 2022 * Jour 0

 

Il est 13h, nous larguons les amarres du bateau qui est à couple sur nous puis nous larguons nos amarres. Bye bye Faial, bye bye Pico, bye bye les Açores ! 👋  Nous voilà partis pour la Bretagne, on ne l’a pas vu venir celle-là !! 😄

Une fois sortis du port et la zone de fort courant dépassée, nous déroulons le génois. Que la gîte commence ! 🎺 Nous glissons à plus de 6 noeuds au près serré dans un petit vent (10-12 noeuds), on veut bien ça pour toute la traversée !! ☺️ Nous passons au large de plusieurs îles de l’Archipel, c’est très beau. 

Après les sandwichs, je ne tarde pas à aller m’allonger pour une sieste. Sur ordre du capitaine la sieste se prolonge et je dors profondément. 

Le vent monte à 15-17 noeuds. Rien d’effrayant mais suffisant pour rendre la gîte inconfortable. Et puis, c’était prévisible, la gîte trop prononcée finit par me donner des signes de mal de mer. Position horizontale et politique du moindre effort. C’est Jed qui donne à manger à Tobago et nous sers le gratin de pâtes. Ensuite direction le lit. Ce premier quart de dodo fait beaucoup de bien. En terme de vent c’est n’importe quoi. On oscille entre 5 et 18 noeuds de vent sans transition. C’est très bizarre, on a pourtant dépassé l’archipel donc ce n’est pas lié à des effets de côtes. Cela laisse peu de chance à celui qui est de quart de s’assoupir. 

05 juillet 2022 * Jour 1

 

Au petit matin je vois une baleine à quelques centaines de mètres du bateau. A l’œil nu je distingue bien son geyser puis sa bosse – deux fois, et enfin sa queue avant qu’elle plonge dans les abysses de l’océan. 

Le ciel est tout bouché ce matin. Le vent nous a abandonné et nous voilà au moteur. 

Un banc d’une dizaine de dauphins vient nous tenir compagnie !! Trop chouette !!! Ils restent une heure, repartent un temps puis reviennent en faisant de beaux sauts ! C’est un sacré cadeau !! ✨

Le vent revient, toujours pas de grande stabilité. Jed sort la GV. Nous avançons doucement mais sûrement. 

Le poids de la gravité accentué par la gîte est pesant. On le ressent constamment, générant un mal de tête et de la fatigue pour tous les deux. Alors on est prudents, on se repose au maximum et on fait attention à ne pas être en carence. Tout ça ne nous vole pas la tendresse, quelques regards et sourires l’un envers l’autre suffisent. 

Le vent est encore instable pendant cette nuit. Nous ne nous reposons pas beaucoup. Par contre l’air est sec, il n’y a pas de rosée et nous échappons en grande partie à la pluie. 

06 juillet 2022 * Jour 2

 

Lors de mon check aux premières lueurs du jours, le vent et la mer sont très calmes. Un léger bruit m’interpelle… ce sont nos amis les dauphins !! Dans la douceur du matin c’est féerique. ✨ Nous les revoyons tout au long de la journée. Après le déjeuner ils étaient même une trentaines quelques mètres devant Levenez. Seuls quelques curieux, dont des bébés tout minus, sont venu jouer avec l’étrave. 

Nous avons beaucoup de chance pour la mer qui est très calme. Même quand nous sommes au près, avec ce petit temps Levenez glisse sans taper dans les vagues. Le ciel bleu n’est pas loin et parfois il gagne du terrain sur le blanc !

Dans l’après-midi nous voyons des geysers de 3 baleines !!! Que de vie autour de nous !! ✨ Malheureusement ou heureusement, ce ne sont visiblement pas des animaux curieux et pour l’instant aucune baleine n’est venu nous montrer sa truffe de plus près. Et puis… le soleil !!! Les conditions anticycloniques qu’on espérait tant : un grand ciel bleu, le soleil qui chauffe, un petit vent, une mer calme, … le rêve !!! On récupère en douceur et on savoure de bons moments dans le cockpit pour un goûter bonbons et une douce soirée. ✨

Pendant la nuit, les dauphins ne nous lâchent pas. A chaque check dehors, nous voyons une torpille sous l’eau générant une écume immergée bien visible dans le noir. Ils ont l’air d’apprécier la compagnie et avancent en parallèle de la coque. Pendant son quart Jed a même entendu leur ultrason depuis l’intérieur du bateau ! Dans le mystère de la nuit, cela a un côté magique ! ✨

07 juillet 2022 * Jour 3

 

Toujours pas de stabilité aujourd’hui au niveau du vent. On passe de 40• du vent à 120•, la force varie tout autant entre 3 et 13 noeuds ! On tente le spy asymétrique dans un moment d’accalmie. Mais le vent tourne et forcit, ça ne dure que 10 minutes avant qu’on l’affale ! La carène de Levenez et les réglages du capitaine limitent la casse, on réussit même à avancer à 2 noeuds pour 2 noeuds de vent ! Ce n’est pas désagréable en soit, le bateau est du coup très calme et stable. On espère simplement ne pas être trop prêt du cœur de l’anticyclone, auquel cas on resterait coincés dans la pétole un bon moment. 

Les dauphins nous font toujours des petits coucous !! 🥰 Et nous voyons aussi au loin ce qu’on pense être des globicephales. Nous sommes vraiment gâtés !! Désormais Tobago comprend tout de suite quand nous regardons quelque chose dans l’eau, et ça l’excite toujours autant !! 😄

On retente le spi asymétrique en fin de journée, mais même schéma : on passe de 100• du vent à 50•, il faut l’affaler après seulement 10 minutes !

Aujourd’hui : c’est douche !!!! 🧼🥳 La première de la traversée !! Comme toujours, ça fait beaucoup de bien ! 😊

Nous dînons à l’intérieur. Le vent continue sa chute libre. Le dernier croque-monsieur avalé, nous sortons gérer les voiles qui claquent. Et là, nous constatons que nous sommes sur un lac !! Nous avançons même plus vite que le vent, Levenez est vraiment trop fort !! 😜 Un arc-en-ciel entier avance sur l’eau pour venir jusqu’au-dessus de nos têtes. Et puis le vent revient, et avec lui une longue houle bien formée. C’est surprenant ce changement si rapide après la mer d’huile ! Il y a dû avoir un bon coup de vent plus loin à l’Ouest. 

Les quarts commencent mais je n’arrive pas à trouver le sommeil tout de suite. Jed voyant que je ne dors pas me partage qu’il n’a pas reçu les messages météo de papa en entier mais que le dernier qu’il a reçu se termine par des prévisions à 23-34 noeuds de vent dans 3 jours. Le coup de massue ! 😖 On n’a vraiment pas du tout du tout du tout envie de se retrouver à nouveau dans une dépression… On essaye de recevoir la suite des messages, en vain. On se décide donc à appeler papa. Au plus tôt on peut se décaler de ce coup de vent au mieux on se porte. Papa nous rassure en disant que ce ne serait qu’une heure et on conclut par une route plus Est dès cette nuit. A peine raccroché qu’on change le cap et borde les voiles !! Courage fuyons !!! 😄 Quitte à se retrouver dans la pétole, on s’en fiche !!! On aurait été prêts à faire demi-tour le temps du coup de vent ! La pression mentale montée d’un coup redescend. Le sourire ne nous quitte pas et la nervosité nous fait bien rire. On va beaucoup mieux dormir ! 

08 juillet 2022 * Jour 4

 

05h : dernier changement de quart. Le vent nous laisse tomber. Jed allume le moteur pendant que je me lève puis nous ajustons le cap sur le pilote. Enfin nous essayons 😒 Le pilote ne tient pas le cap que nous lui demandons. Nous l’aidons en reprenant la barre avant de le ré-enclencher sur un nouveau cap, mais au bout de 2 minutes il braque à bâbord sans raison. Nous l’éteignons, le rallumons, nous vérifions que le vérin n’est pas gêné, que les branchements électriques sont clean, … rien à faire 😔 Pendant ce temps les dauphins sont revenus et nous encouragent ! Le capitaine réfléchit : ça doit venir soit du capteur d’angle de barre, soit du compas de pilote. Il va voir le compas de pilote dans le placard de l’atelier. Inspiré, il enlève des ceintres pendus juste à côté. Et … plus de bug !!! Les ceintres devaient créer un dysfonctionnement magnétique. Voilà une bonne chose, pourvu que ça dure !

Le vent revient dans la matinée. On essaye de tirer à l’Est au maximum, pas toujours évident avec ce vent changeant. C’est une journée tantôt penchée tantôt trop calme ! C’est fatiguant mentalement de ne pas passer plus de 30 minutes sur une même allure. Malgré tout on reste chanceux en confort de navigation. On essaye de profiter de ces conditions plutôt clémentes mais les esprits sont quand même bien centrés sur le cap et les scénarios météo pour éviter les forts vents du 11 juillet. Cela s’accumule à un manque de sommeil de fond lors des dernières nuits où nous passions nos quarts à jongler entre le réglage des voiles et le moteur. 

On prend des forces dans les repas : pâtes carbo à midi et pizza le soir !! 😋 

Le vent est moins capricieux cette nuit, nous arrivons à dormir un peu plus.

09 juillet 2022 * Jour 5

 

Nous, nous sommes mieux reposés que les autres matin, mais le ciel lui a du mal à se lever ! On continue à chercher le vent, tantôt à la voile tantôt au moteur, avec toujours cette longue houle qui nous casse l’inertie de Levenez. 

Occupons-nous de ce qu’on peut maîtriser : les repas !! Aujourd’hui ce sera purée maison saucisses à midi et croziflette avec du fromage à raclette au dîner 😋😋

Au niveau du style, c’est la grande classe : dès qu’on pointe le nez dehors c’est bonnet, écharpe, polaire, pull marin, pantalon et pantoufles ! 😎

Après le déjeuner nous voyons un geyser un peu au loin sur notre arrière tribord. Pauline : « J’aimerais trop qu’elle se rapproche » Jed : « Off, non ! ». C’est tellement émerveillant que j’en oublie le risque que ce pourrait être si une baleine venait jouer près de Levenez ! Je rentre faire la vaisselle mais Jed m’appelle dehors. A peine 100m devant nous, nous voyons une masse sortir de l’eau ! Ça a en fait l’air d’être un cachalot ! 🤩 Trop beau !!! Mais on reste attentifs à sa trajectoire. Jed se poste près de la barre et, ne le voyant plus, nous dévions un peu notre route ! Dans ces moments nos yeux d’enfants qui veulent revoir l’animal encore et de plus près se confrontent à nos esprits d’adultes qui modèrent l’excitation en espérant que la bête garde ses distances.

L’après-midi le vent nous abandonne, sans appel. Les prévisions annonçaient de la pétole pour ce soir, ça a l’air d’avoir commencé plus tôt ! La cabine arrière – où nous dormons en traversée – est collée au moteur et si nous sommes parti pour 24h de moteur on risque de ne pas beaucoup dormir ! Du coup nous réaménageons la cabine avant pour créer une petite place de dodo entre les caisses de nourriture. Une cabane dans la cabane !!! 🤗🤪 Nous profitons de ce calme face au vent pour affaler la GV et la réhisser pour vérifier qu’elle n’est pas coincée. Au passage nous remettons un peu d’huile sur les coulisseaux pour limiter le risque de coinçage. A 19h le ciel se dégage juste pour nous donner une petite dose de bleu avant d’aller dormir. Cette nuit nous voyons encore des dauphins autour du bateau ✨

10 juillet 2022 * Jour 6

 

Malgré la place étroite à l’avant, la nuit a été bonne. En revanche – comme on s’y attendait – c’était moteur moteur moteur ! Jed ressort le génois au petit matin. Puis à 08h nous hissons le spy asymétrique. Le petit vent est suffisant pour le spy, mais il y a toujours cette houle de face disproportionnée par rapport au vent qui le dévente. Le spy tient quand même toute la journée. Le vent se stabilise et monte doucement. En fin de journée le soleil nous fait même l’honneur de sa présence. On profite de ce créneau, combiné à l’eau chaude des 12h de moteur de cette nuit, pour prendre une douche bien appréciée ! La soirée est toute calme. Avant de commencer les quarts nous affalons le spy et déroulons le génois. 

Nous commençons la nuit à 90• du vent, avec 10 petits noeuds de vent. Puis il monte progressivement jusqu’à 19 noeuds et tourne, ce qui veut dire que nous sommes au petit largue. 🥳🥳 L’allure est idéale : on avance vite, pile dans le cap, sans bruits de voiles ou de grincements. C’est presque trop parfait !! En effet je prends mon premier quart avec 2h de retard car je n’ai pas entendu mon réveil… 😬 Je me lève et constate : Jed dort profondément, n’entendant pas non plus ni ses alarmes de checks ni celle de la tablette qui indique que le vent est monté. 🤭 Je le réveille (non sans mal !! 😴) pour qu’il file sous la couette. Je sors faire mon check et vois des lumières de cargo au loin. Par réflexe je regarde en haut de notre mât : pas de lumières ! 😮 On a oublié de les allumer..! 🙄 Nous naviguions donc depuis quelques heures feux éteints, sans checks visuels, tous les deux profondément endormis… Pas bien !! 😏✨ 

Le couché de lune est magnifique. 🌙 La pénombre de la nuit + les mouvements du bateau + mon équilibre endormi ne m’ont pas permis de réussir à le capturer correctement. La photo ratée donne quand même une idée. 

11 juillet 2022 * Jour 7

Cette journée au portant est bien agréable. On ne touche quasiment pas aux voiles. Levenez est lancé et avance à 6-8 noeuds. 

On peine à réaliser que notre Bretagne est si proche. 3 ans qu’on n’y a pas mis les pieds. 2,5 ans qu’on a pas vu nos familles (à l’exception de mes parents et d’une de mes sœurs et beau-frère qui sont venus nous voir aux Antilles en 2021). ❤️ Ça fait des guilis au ventre !!!! 🤗 Parfois ça fait aussi un peu peur ce bain de proches qu’on va retrouver d’un coup. Va-t-on réussir à savourer tout le monde en même temps ? Tout en gardant notre autonomie de couple si importante pour nous, d’autant plus après ce voyage ? Et puis les craintes se dissipent, cette décision toute paisible et joyeuse a émergée de nos cœurs à tous les deux. On se sent à notre place d’aujourd’hui, on a confiance.

La brume ne s’est pas levée de la journée. On aurait apprécié un petit bout de bleu mais on est déjà trop contents de ces conditions de vent. Et puis on est bien à l’abris dans notre cabane ! 😊 Le soir la brume se transforme en épais brouillard. La visibilité ne dépasse pas 200m. On allume dors et déjà les feux de nav. 

Nous savourons ce portant car les prévisions annoncent du près serré dès demain dans la journée. Nous anticipons au maximum en prenant un cap plus nord. Avec un peu de chance ça nous aura suffisamment décalés du vent au moment où il tournera, nous évitant ainsi de tirer trop de bord et d’avoir trop de gîte. 

A 1h30 nous croisons un cargo. Selon l’AIS il passe à 1,7 miles. A l’œil nu nous ne percevons même pas un léger faisceau de lumière, alors qu’en temps normal nous voyons les lumières des cargo a plus de 8-10 miles nautiques. Ce n’est pas très rassurant d’avoir aussi peu de visibilité. 

12 juillet 2022 * Jour 8

 

Tout au long de la nuit le vent a tourné et forcit. Nous sommes à 60• du vent, 16 noeuds de vent, 7 noeuds de vitesse. Nous nous battons de nouveau contre la gravité. Et toujours cet épais brouillard, sans signe d’amélioration. Il n’y a plus qu’à espérer que cet épisode ne soit pas trop long. Mais c’est mal parti selon les prévisions météo..! La Bretagne va devoir patienter, on vise les Scilly pour y attendre un vent plus favorable dans la Manche. 

Le brouillard s’est levé et tant mieux car nous commençons à être sur une autoroute de cargos. Lorsque l’un s’efface un autre se dessine. Le vent reste fort et l’inconfort est grandissant ! Outre la gîte, nous avons la joie de retrouver la gestion de l’eau dans les fonds de cale ! 😁👍

Nous troquons le génois pour la trinquette. Super initiative du capitaine ! Levenez enfourne moins la mer et notre vitesse reste à un bon 6 noeuds ! 👌 

À midi on teste les pastas box : juste de l’eau chaude à ajouter dans le bol de pâtes lyophilisées. Pas de cuisine, pas de vaisselle, rapide à préparer, chaud : c’est parfait !!! 

La journée est un peu longue, on fait le dos rond en espérant que ça change vite mais on sait que ce n’est pas ce qui est prévu. 

Ce soir c’est pizza sous vide. On laisse le four allumé plus longtemps pour réchauffer le navire parce que ça caille fort par ici !! Tobago revêt sa cape de super héros pour la nuit ! 😄

Pendant le 1er quart Jed enroule la trinquette et sort un bout de génois. Le vent est à 11-13 noeuds avec de longues rafales subites à 17-18 noeuds.

13 juillet 2022 * Jour 9

Vu notre cap nous pensons plutôt viser Ouessant que les Scilly. 

Le ciel bleu montre quelques signes, il ne semble pas loin.  Il va et vient dans la journée, et puis ça y est : il perce !!!! Que c’est bon !! Ça donne le sourire !! On n’est plus habitués à en être privés pendant plusieurs jours. Sous ses rayons chauds, opération coupage de cheveux pour Piline ! Nous voyons passer un fou de bassant, ça sent la Bretagne !!!!! 🥳 On quitte les positions horizontales pour se dorer la pilule au soleil et discuter. C’est bien bon aussi de retrouver ça !! 

Nous commençons nos quarts avec un ciel encore tout dégagé ! 😃 Nous croisons un premier bateau de pêche : la terre se rapproche !! Les quarts vont désormais nous demander d’être plus vigilants, terminé les siestes pour celui qui veille ! 

La différence se ressent beaucoup. Les réveils pour prendre ses quarts sont bien difficiles !

Grâce à ce ciel dégagé nous retrouvons la lune que nous n’avions pas vraiment vu depuis le début de cette traversée. C’est une compagnie agréable et bien utile pour nos veilles. Nous croisons plusieurs cargos et bateaux de pêches. La veste de quart est parfois de sortie pour combattre ce froid glacial. Le vent, qui au début de la nuit passait de 12 à 23 noeuds sans transition, se stabilise à 11 noeuds en fin de nuit. La mer est désordonnée – mélange de vagues de vent et de houle dans des directions différentes – et nous bouscule. Selon la carte, nous passons dans une zone « vigilance accrue, entraînement de sous-marins » 😳

14 juillet 2022 * Jour 10

 

Le jour se lève et apparaît avec lui un ciel tout dégagé !! La journée s’annonce bien 😊 

Je prends mon dernier quart, Jed va se coucher. A la VHF on entend « all ships, all ships, all ships, … » (formule classique de communication par VHF). Et, alors que je le pensais endormi, j’entends une petite voix depuis la chambre « all ships, all ships, all ships, qui veut des chips, qui veut des chips, qui veut des chips ». Ça m’a bien fait rire !!! 😂

La mer a des reflets verts ici. 

Dans la matinée nous évitons une route de collision avec l’énorme bateau de passagers Queen Mary 2. Il est impressionnant et plutôt joli. On s’est imaginé le commandant de bord commenter « sur votre gauche, des pouilleux ! Ils avancent 4x moins vite que nous, ont peu dormi cette nuit, se lavent à la lingette depuis 4 jours. » 😝

Après le déjeuner le soleil dépasse les voiles et s’invite dans le cockpit. Nous savourons cette dose de soleil pendant la digestion !! 

La fatigue se fait sentir aujourd’hui. Mon esprit voudrait cuisiner et faire des choses, mon corps et le capitaine me disent de faire une sieste et de garder mon énergie pour la nuit. J’obéis. Adieu la tartiflette de ce soir ! En effet la nuit pourra être énergivore car nous traverserons les chenaux de cargos.

Quand je me lève de la sieste, je rejoins Jed qui lézarde dans le cockpit. Il me dit « changement de plan » ! On sort les bonbons et il m’explique. On devrait réussir à viser Roscoff direct !! Youpiiii 🥳 Et normalement nous devrions arriver demain soir 🤪 

Nous entendons à la VHF un mayday (niveau le plus élevé d’appel de secours à la VHF). Les coast guards de Falmouth gèrent l’appel. Cela concerne un voilier à 85 miles de notre position. Nous ne comprenons pas son problème mais nous entendons qu’un hélicoptère évacue une personne et qu’il n’y a pas besoin de plus d’assistance. 

Nous voyons un voilier à 1 miles de nous ! On est tout contents !!! C’est la première fois que nous voyons un voilier aussi près en traversée !

Au moment de préparer le dîner des dauphins passent à notre arrière. Ils ne s’arrêtent pas pour jouer avec nous mais leur présence dans le soleil du soir est quand même très chouette !! 

Le couchée de soleil est superbe, c’est le premier de cette traversée !! Et encore cette lune qui nous accompagne 🌙✨

La première partie de la nuit est calme, presque trop calme ! Le trafic de bateaux dans les chenaux est calme également. Le vent monte pour la seconde partie de la nuit, nous avançons à 7 noeuds avec la trinquette comme voile d’avant ! 🚀 

15 juillet 2022 * Jour 11

 

Dernier quart : le vent monte encore, je suis dans le cockpit et j’entends un « crac » net et fort. Après observation je pense que c’est la manille textile qui relie la baume à l’écoute de GV qui se fragilise. Je choque la GV pour limiter la tension et vais chercher Jed pour qu’on sécurise la connexion. Nous enroulons la trinquette, je prends la barre et allume le moteur pour plus de manœuvrabilité pendant que Jed se positionne pour traiter le problème. Je rapproche Levenez du vent pour que Jed échange la manille textile par une manille inox. Tout l’enjeu pour Jed est 1/ qu’il ne tombe pas à l’eau, emporté par la baume ; et 2/ qu’il ne lâche pas la baume entre le moment où il enlève la manille textile et celui où il met la manille inox. Sinon la baume ne serait plus retenue sur ses mouvements de droite à gauche et pourrait se balader violemment d’un côté et de l’autre. L’enjeu pour moi est de rester suffisamment près du vent pour limiter le vent dans la GV et donc la tension dans la baume, mais suffisamment écarté du vent pour ne pas virer (auquel cas Jed se ferait projeter ou assommer). Évidement, pour plus de piquant, face au vent veut dire face aux vagues, ce qui donne des à-coups dans la baume. Opération réussie !! 💪👌 On redéroule la trinquette. À peine le temps de savourer la victoire qu’il faut gérer les cargos. Nous sommes pris en sandwich entre deux. L’un nous passe juste derrière, et l’autre juste devant. Enfin à cet instant il ne passe pas vraiment devant, il y a plutôt route de collision. Nous choquons les voiles pour ralentir. Il nous passe 500m devant ! 

Pour être bien calés à l’arrivée par rapport à la marée, il faudrait tenir une moyenne de 7 noeuds. Il reste encore 70 miles, c’est pas évident. D’autant que le courant est désormais contre nous… ça sent une fin compliquée 😟 On verra bien !

Ici l’énergie n’est pas au rdv. Le capitaine est fatigué. On essaye d’équilibrer les objectifs de vitesse du bateau et d’état de l’équipage. L’allure du près serré depuis plusieurs jours commence à tirer et c’est un peu rude pour finir. 

À la fin du déjeuner nous avançons à 4 noeuds vitesse sondeur, mais en réalité nous sommes à 2 noeuds vitesse GPS à cause du courant contre… Nous allumons le moteur en soutien des voiles. Le trafic de cargos est intense ici. Il y en a de tous les côtés ! Pendant plusieurs heures nous en avons toujours entre 4 et 8 en visuels autour de nous ! Nous restons donc dans le cockpit, attentifs aux trajectoires de chacun. Le soleil nous tient compagnie et c’est bien apprécié. Ses rayons redonnent un peu d’énergie aux esprits, et du coup sûrement un peu aux corps !! 

La VHF n’arrête pas de parler !! Bateau de pêche à remorquer, personne en kayak au large à rapatrier, zodiaque avec une famille en avarie moteur, voilier en panne moteur qui dérive dans le courant, voilier qui a démâté, personne à pied coincée par la marée, … L’été à l’air chargé pour les cross ! 

Et puis le vent revient et nous arrêtons le moteur. Même si nous savons qu’il y a du courant contre, notre vitesse nous semble étrangement faible. Nous rallumons le moteur pour une marche arrière, suspectant que quelque chose se soit pris dans la quille. Et en effet, après cette opération nous gagnons plus d’un noeud de vitesse !! 

A 15 miles de l’arrivée nous percevons la côte !! On ne réalise pas du tout qu’on est en Bretagne !!!!! 🤩😍🤪🥳 Les conditions d’arrivée sont un vrai cadeau : petit vent qui nous fait bien avancer, mer calme, soleil, plus personne sur l’eau, quelques dauphins, couché de soleil magnifique ! ✨

A 10’ de l’arrivée au port un zodiac déboule sur nous : c’est le comité d’accueil !! 😄 Mon parrain et 3 cousins nous escortent jusqu’au port. Sur les quais mes beaux parents sont là. On est trop contents, cette fois-ci, de partager le champagne d’arrivée !!