Transat retour : Antilles - Bermudes

15 mai 2022 * Jour - 1

Samedi, veille du départ. Nous terminons les dernières tâches de la to do liste. Fin de journée nous nous apprêtons à prendre un petit apéro où nous réaliserons enfin que le départ est tout proche. Avant ça je veux juste ranger les derniers papiers. « Jed tu sais où est la clearance faite aujourd’hui ? » « Avec les passeports » « … » On a beau chercher dans tout le bateau, pas de clearance ! Pas de clearance de sortie de St Martin = non acceptés aux Bermudes, ni aux Açores, ni ailleurs. Les magasins sont désormais fermés, demain c’est dimanche, nous devons donc décaler le départ à lundi matin..! Le temps de réaliser les quelques « tant pis » que ça engendre (plus on attend plus on aura de la pétole, on doit entamer au mouillage les plats cuisinés d’avance, …) puis on accepte finalement assez vite cette journée qui nous permet de nous reposer, et c’est pas de trop ! ✨ Le cadeau de cette journée c’est aussi d’apprendre en direct la naissance du nouveau filleul de Jed 🤗🥰✨ A 1 jour près on l’aurait su 10 jours après !! 

16 mai 2022 * Jour 0

Lundi, jour du départ. On refait la clearance, on installe les cabines en mode « traversée », et puis… on lève l’ancre. Le soleil nous accompagne (alors que depuis des jours la pluie est bien présente). Le ciel légèrement couvert nous permet d’être agréablement installés dans le cockpit sans subir le soleil, le vent nous fait bien avancer, la houle est longue, Levenez est stable sur sa lancée. On rêverait d’avoir ces conditions toute la semaine !! Tobago nous fait trop rire, il est sur-excité !!! Il saute sur le canapé, aboie pour qu’on le regarde, niche sa tête dans un coin du canapé avec les fesses en l’air, fait des allers-retours entre le canapé et le cockpit !! 😄 Est-ce le drap avec notre odeur sur le canapé, ou a-t’il compris que ce départ n’est pas comme les autres ?! 

Nous voyons un, puis deux geysers de baleine. Je tente une sieste dans le canapé. Comment dire… monsieur Tobago n’a pas arrêté de me faire des léchouilles aux pieds, puis de me marcher dessus pour s’installer à côté de ma tête, me lécher les oreilles puis le visage… j’ai abandonné la sieste au moment où ses fesses se sont assises sur ma tête !! Il faudra cadrer cette histoire pour les nuits !!! 😅 

La nuit tombe, et avec elle quelques déferlantes qui remplissent les équipets du cockpit, qui à leur tour s’écoulent sur les assises. C’est très désagréable. Il n’en faut pas plus pour le capitaine : il sort le sika et bouche les trous des équipets ! La journée de nav dans les pattes + la nuit qui s’installe amène une petite appréhension du mal de mer pour moi. Le dîner ne me tente pas, la banane suffit. Finalement mon premier quart de dodo découragera le mal de mer ! Cette première nuit est incroyable. La lune est pleine et éclaire comme en plein jour, le vent est stable, la mer est très acceptable, on file à presque 8 noeuds de moyenne, juste au génois, sans que rien ne force sur le bateau. Que ce soit pour 3h ou par tranche de 20’ pour celui est qui de veille, on arrive à s’endormir en un claquement de doigt et le sommeil est réparateur ! Dans la nuit, Tobago – avec quelques encouragements, réussit à faire caca !! Victoire !!! 🙌🙌 C’était une de nos inquiétudes, il n’avait jamais réussi avec le bateau en marche !

17 mai 2022 * Jour 1

Au petit matin nous passons le 20e parallèle, ça y est on quitte la latitude nord des Antilles ! Comme un premier matin de traversée, les choses se font traaaanquillement. Brossage de dent, c’est bien. On va attendre pour le brossage de cheveux et sortir prendre l’air 😅 On s’étonne de n’avancer qu’à 5,5nd alors que dans le même vent et avec la même orientation du vent nous étions en moyenne à 7nds. Il ne nous faut pas longtemps avant de constater que des kilos de sargasses coincées dans la quille, le safran et le safran du régulateur nous freinent ! Beaucoup trop lourd pour être enlevés à la main ou avec la gaffe, nous enroulons le génois et hop marche arrière en plein océan ! Chose faite, nous retrouvons immédiatement notre vitesse 😃 Mais comme annoncé le vent commence à baisser. Pour profiter de chaque minute de vent avant la pétole, vous n’allez pas en croire vos yeux, nous sortons… la GV !!! Et hop 8nd de vitesse ! Sur une mer calme, trop bien !!! Trop de soleil dans le cockpit pour Tobago, mais aussi très chaud à l’intérieur, il commence à tourner un peu en rond. C’est l’heure de son premier jouet ! Les pouets pouets résonnent dans l’océan ! 

Côté capitaine, il doit déjà remettre sa casquette de bricoleur : la pompe à eau de mer s’est désamorcée. On a probablement dû aspirer une sargasse… Mais Jed reste zen et fait calmement ses petites affaires. Le problème est résolu rapidement. 👍👊

Fin de matinée c’est l’heure de la douche !! 🥳 C’est toujours très agréable et unique ces douches seuls au milieu de l’océan sous le soleil 💝

Après le 20e nous quittons désormais les Alyzées. Ces vents relativement stables dans lesquels nous naviguons depuis décembre 2020. Nous allons redécouvrir ce que ça fait de ne plus savoir d’où vient le vent. Le ciel est différent : nous n’avons plus les nuages en petit train ! Petit à petit le vent baisse, la mer se tasse, et nous on profite de la vie ! Musique, discussions, fou-rire créé par Tobago qui essaye subtilement de piquer les coussins de Jed, aération totale du bateau, un peu de dessal pour garder les réservoirs bien pleins, mots croisés, … On sort notre premier paquet de bonbons : des piquants 😊 On n’est jamais tentés par les bonbons en général, mais là on est tout contents !!! 🤪 Tobago apprécie le calme et s’excite à nouveau !!

Fin de journée. Une nouvelle marche arrière pour se débarrasser des sargasses coincées dans les safrans. Tobago a l’air de se demander quand est-ce qu’on arrive. Il n’a l’expérience que d’une seule nuit en mer et c’est comme s’il s’attendait à ce qu’on arrive aujourd’hui. Il sent le jour qui baisse et n’arrête pas de regarder et renifler dans toutes les directions. « Je ne sens aucune terre, ils ont pas l’air de se préparer à arriver, c’est quoi ce bazar ?! ». Le vent remonte un peu, on passe de 8nd à 10nd de vent mais cela suffit à bien faire accelérer Levenez. La nuit débute à 6nd de vitesse, on en n’espérait pas tant !

18 mai 2022 * Jour 2

La nuit fut encore très bonne et nous avons finalement bien avancé. Le bateau est incroyablement calme. Je crois qu’on a jamais connu des nuits de nav aussi peu bruyantes. Changement de son au matin. Le vent est faible et les vagues mal orientées. On met les voiles en ciseaux (GV d’un côté et génois de l’autre) en tangonnant le génois. Cela n’empêche pas les voiles de claquer au passage des vagues. Voyant Jed mettre un teeshirt Tobago se met à aboyer. C’est vrai qu’en général l’enfilage de tee-shirt chez Jed = promenade !! 😅 Le soleil cogne fort et le teck du cockpit est vraiment brûlant. Nous l’arrosons d’eau de mer mais l’effet rafraîchissant est de courte durée. On se réfugie sous le bimini de la barre. Assis sur les coffres on discute, on pense aux beaux souvenirs que nous emportons et aux nouveaux que nous allons nous faire. Dans ce rythme à la fois calme mais prononcé tout devient hypnotisant : la route des vagues qui arrivent de nulle part et s’effacent dans l’horizon, le régulateur d’allure qui travaille, les écoutes des voiles qui se tendent et se détendent, … 

Nous voyons deux oiseaux marrons avec une tache blanche à l’extrémité des ailes. Ils sont bien dodus et ont l’air contents de voir de la compagnie sur l’eau. Ils volent autour de Levenez puis se posent délicatement sur la mer. 

Nous sommes aux anges car nous pensions vraiment avancer à 2-3 nds au vu des prévisions météo. Et depuis le début nous avons toujours un peu d’air pour nous faire avancer entre 4 et 7 noeuds. 

Nous savourons la fraîcheur de la douche sous ce cagnard, bien conscients que d’ici quelques miles la chaleur nous manquera sûrement et la douche froide dans le vent sera davantage un challenge qu’un régale!! 

Début d’aprem nous empannons : enrouler le génois, changer le tangon de côté, passer la GV sur l’autre bord, dérouler le génois. Le tout sur un teck brûlant, ça donne un bon coup de chaud! 

La pétole annoncée commence à faire son entrée. En fin de journée nous entrons dans une ambiance mystérieuse où la limite entre ciel et mer est difficilement palpable, une épaisse brume recouvre l’horizon, les nuages chargés de pluie nous attendent patiemment. Et nous ne les décevons pas, doucement mais sûrement nous entrons dans la zone. Et tout aussi doucement nous en sortons 2-3h plus tard. Après un virement de bord du capitaine sous la pluie, et un check des fonds de cale suite à la pluie, l’heure des quarts a sonnée et je vais me coucher. La perspective du gros dodo a vite été refroidi par une sensation humide au moment où j’étends mes jambes sur la couette 🧐 Le rail d’écoute de GV goutte sur le lit 😫 Et c’est reparti pour du sika !! 

La nuit est très reposante !! Et pour cause, dès le 1er quart Jed rentre le génois. Levenez est sans voile, à la dérive sur un océan d’un calme peu croyable. Celui qui veille ne se réveille que toute les heures au lieu de toutes les 20’. On ne fait que quelques tout petits miles dans la nuit, mais on a bien dormi !! 😁

19 mai 2022 * Jour 3

Réveil incroyable. Le soleil se lève délicatement sur cet océan endormi. Il n’y a que nous, plongés dans ce calme irréel. Et qu’importe d’arriver en 10 jours au lieu de 6. Il semble que l’important à cet instant est de vivre ce moment. Être pleinement présent à cet instant, se laisser habiter par ce calme, encourager nos yeux et nos cœurs à nous émerveiller. C’est indescriptible. On n’attend rien d’autre que de vivre ce moment là, maintenant, comme il est, sans le désirer autrement. ✨

Ces conditions sont idéales pour tester le spy symétrique que nous n’avons jamais sorti !! On se lance, et il est vrai qu’avec une chaussette (housse facilitant le hissage et l’affalage de cette voile) c’est très facile !! Super expérience, en revanche les 4 petits noeuds de vent ne suffisent pas à le gonfler. On le rentre donc assez rapidement. On remet le génois tangonné pour le principe mais on finit rapidement par rentrer toutes les voiles. Sans vent, sans voiles, sous ce soleil fort, nous sortons le taud de soleil. Nous voilà donc comme au mouillage !! Un mouillage géant où nous sommes seuls ✨💝 Ça se fête avec la première bière de la traversée !! Tobago a droit à un nouveau jeu pouet pouet !!! 🥳  Durée de vie du pouet pouet : 10’. Durée de vie du jeu : 1j. 😏

Après le déjeuner, baignade !!!! En toute sécurité bien sûr : un pare battage est accroché avec une longue drisse à l’arrière et nous n’allons dans l’eau que l’un après l’autre. Quel bonheur !!! Ça fait un bien fou avec cette chaleur, mais surtout c’est une expérience unique !! Ce fond bleu illuminé par les rayons du soleil paraît infini. Les conditions rendent l’océan très accueillant et étonnamment pas si effrayant. Ce qui est dingue c’est que même quand on a l’impression de ne pas avancer (entre 0 et 1 noeuds grâce au courant), il faut quand même nager énergiquement pour rattraper le bateau. Alors on n’imagine pas ce que c’est lorsque le bateau avance à plus de 5 noeuds dans des conditions plus agitées…! 

Pour la suite du programme, Jed, armé du wd40, part à l’assaut de tout les grincements !! Quand à Piline c’est préparation d’un pain, puis opération glacière. La plus mauvaise bonne idée de ce départ. Je m’étais dit que ce qui ne tient pas dans le frigo se conserverait les premiers jours dans une glacière. J’y ai mis les œufs et les légumes, mais sans air les légumes ont moisis et propagés leur moisissure aux œufs. Pendant ce temps on allume le moteur 1h le temps de faire tourner le dessal, ça nous fait un peu avancer. Et dès qu’on l’arrête on retrouve nos 1 nds de vitesse et ce calme ✨

Sinon nous avons toujours cet oiseau qui nous suit. On l’a appelé « Buck » ! Il est ravi des petits morceaux de pain qu’on lui donne et qu’il récupère très bien en nageant fort avec ses grosses fessounes!! Dans ce calme on reste 1/2h a le regarder et lui lancer des petites miettes. Tobago est très intrigué de voir un autre être vivant perdu dans cette immensité d’eau !! 😄 

Tobago a retrouvé un peu d’énergie et d’appétit. Il a même eu droit à une après-midi sans harnais ce qui a dû lui faire beaucoup de bien ! Mais gentils comme il est il m’a fait la fête quand je lui ai remis le soir ! 😇

Le vent « revient » (5nds au lieu de 2 🙌) en fin de journée. On remet GV et génois en ciseaux. Pour l’instant ça fait plus de bruit qu’autre chose, à voir comment se passe la nuit. 

Ma nuit fut bonne pour la majeure partie, bien que des éclairs se manifestaient régulièrement autour de nous. Mais pas de tonnerre, donc c’est loin ! A 5h je prend le dernier quart. Je sors la tête du bateau pour un tour d’horizon et je tombe nez à nez avec un front de grains bien décidé à ne pas nous laisser passer au sec !! Et sur l’extrémité tribord de la ligne de grains ça s’illumine et ça tonne. Je réveille Jed – qui venait de se coucher 😔 – et rentre le génois. Nous allumons ensuite le radar et surveillons. Le vent monte à plus de 17nds, ça pourrait nous faire avancer !!  😃 Mais il tourne dans tous les sens et le régulateur nous fait faire demi-tour ! 😅 On brave alors la pluie torrentielle qui s’abat sur Levenez pour stopper le régulateur et mettre le pilote (qui lui peut suivre un cap compas et non le vent). Jed réussit à attraper l’écoute de GV sans sortir, il la règle donc au sec ! 😄 On est pas sorti de l’auberge. La ligne s’est transformée en gros tas et s’étend sur au moins 4 miles. Jed surveille le vent, le cap, l’évolution de la chose, et me suggère d’aller me recoucher. Je le laisse donc veiller encore. Avant de m’endormir je l’entends vider le bac qui récupère l’eau du mât toutes les 5´ (sans façon de parler) tant la pluie est intense 😲 A 6h30 Jed finit par allumer le moteur pour nous aider à sortir de la zone. A 07h15 fin du moteur, le vent est revenu et voilà que nous filons GV et génois a 7nd de vitesse pour 12nd de vent 👌🙌

20 mai 2022 * Jour 4

Le soleil revient et sèche très vite le bateau. Le vent lui s’en est allé ! On repart dans le jeu de voiles et nous tentons ce matin le spy asymétrique. Celui-ci reste plutôt bien gonflé et nous fait avancer quasiment à la vitesse du vent (soit entre 2 et 5 noeuds 😁). On remet le taud et de nouveau… on se baigne !!!! C’est irréelle cette traversée 😄😍 La vue du bateau sous spi depuis la mer est magnifique !! Notre nouvel ami Buck revient survolé ce beau tableau ! Même si on attend avec envie le vent d’Est annoncé, on se sent quand même très chanceux de vivre ces moments que la pétole nous offre. Les hublots du bateau sont ouverts toute la journée depuis le 1er jour, on a tout le confort du mouillage tout en étant seuls au milieu de cet océan apaisé ✨ Moi qui regrettais que les préparatifs aient été aussi prenants jusqu’à la veille du départ – nous laissant peu de temps pour nous reposer et nous retrouver, ces jours comblent parfaitement ces manquements ! 

L’après-midi nous repartons au combat de l’étanchéité avec le sika pour refaire le joint de la cadène tribord. L’avantage de ces conditions est que chaque problème identifié peut être résolut sans attendre et sans nous prendre trop d’énergie. 

Le spy tiendra jusqu’en fin d’aprem où nous le rentrons tout juste avant la pluie ! Ensuite c’est encore un jeu de voiles. On sort GV génois, on rentre le génois, on le ressort, … 

Ce soir au menu c’est pizza !! 🥳 Et quand nous avons dit le mot, Tobago a remué la queue. C’est peut-être le signe qu’on a un peu abusé des pizzas à emporter à St Martin !!! 😅 

Les quarts commencent dans le plus grand calme : 1nd de vent, 0 nd de vitesse – même pas un petit courant pour nous pousser ! Le ciel est chargé, il est fort probable que nous ayons des grains cette nuit. Jed me laisse dormir jusqu’à 2h du matin (soit 6h de suite) ! La nuit est très calme. Au changement de quart il y a un cargo qui va dans le même sens que nous. Bien que notre vitesse batte largement nos records des 2 derniers jours (4 noeuds 😃), on ne fait pas le poids contre le cargo et il disparaît rapidement de notre zone.

21 mai 2022 * Jour 5

Le levée du jour est superbe. La nuit s’incline à l’arrivée du soleil. Tout délicatement la mer et le ciel s’illuminent. C’est un moment suspendu d’admirer ce spectacle depuis le cockpit de Levenez, sous le pled, avec une tasse de thé et des gâteaux ✨

Le vent se maintient à 10 noeuds et nous avançons GV génois à 6 noeuds à 45• du vent 👌 La mer est toujours aussi calme, c’est un bonheur ! En revanche cette allure crée de la gîte ce qui perturbe un peu Tobago qui nous fait pipi … à l’intérieur ! 😁 La journée avance et la gîte s’accentue. Nous sommes au près serré. Cela génère plus de fatigue que nos journées baignades et discussions sous le taud 😄 Enfin surtout chez moi la fatigue, Jed est plus résistant. Et il est d’une grande délicatesse, toujours content que j’aille me reposer. Nous sommes chanceux car la mer est encore calme des jours précédents de pétole et le ciel est tout bleu. Nous sommes survolés aujourd’hui par deux oiseaux blancs, du genre petits paillanqueue. On aurait dit deux colombes faisant un bout de chemin avec nous. ☺️ Le vent n’est pas encore bien installé, il va et vient toute la fin de journée. Certes on n’avance pas beaucoup, mais qu’est-ce qu’on est bien là dans le cockpit, à discuter et admirer l’océan pendant des heures. Le vent est toujours instable et la nuit est très calme, voir très très calme!! Au milieu de la nuit : pétole, génois rentré, nous dérivons, et pas vraiment dans la bonne direction !!

22 mai 2022 * Jour 6

Ce matin encore, le levé de soleil est époustouflant, d’un rouge impossible à capturer. 

Nous sommes toujours au près serré, avec un vent très instable. Nous n’avançons pas beaucoup et c’est moins confortable que les jours précédents (c’est pas très dur de toute façon!!). 

Nous voyons encore des oiseaux. Ils ont toujours l’air contents de voler avec un peu de compagnie ! Ça tombe bien nous aussi on est toujours contents de les voir !!  Aujourd’hui, malgré la gîte, Tobago a retrouvé une pêche d’enfer !! Il dévore ses gamelles, vient me chercher à l’heure où depuis le début de la traversée nous prenons un en-cas, il s’excite !! 😄 Le voilà officiellement truffe marin ! En espérant que 6 jours ne soit pas son seuil de tolérance avant de devenir zinzin ! 🤪

23 mai 2022 * Jour 7

Ce matin, pas de petit dej devant le levé de soleil. J’essaye de dormir pendant ce dernier quart (05h-08h) car la nuit a été fatigante. Jed a effectué 3 virements de bord. De mon côté je suis restée dehors tout mon 1er quart, la main sur l’écoute de GV et l’esprit partagé entre mon envie de choquer pour réduire la gîte et ma raison qui me dit d’attendre le maximum pour ne pas perdre de cap (Jed me confirmera à son réveil que j’aurais pu choquer, ce n’était donc pas ma crainte de la gîte qui s’exprimait !! 😄). Comme à bâbord amure on n’est pas bien calé dans le canapé du carré (les coussins glissent des assises), Tobago n’a pas dormi non plus pendant mon quart. Il n’a pas arrêté de monter dans le cockpit, mais comme il faisait froid il redescendait, mais comme il ne trouvait pas sa place il m’appelait parce qu’il n’arrivait pas à remonter. Et puis… encore un pipi à l’intérieur 🤨 Pendant le quart, bien calée sur l’assise sous le vent, je reçois brusquement quelque chose sur mon bras gauche accoudé vers l’extérieur du bateau. Je sursaute fort et m’inquiète que ce soit quelque chose tombé du haut du mât (instrument, lampe, ..). Et puis j’entends du bruit sur le passavant : c’est un poisson volant ! 😅 Entre la peur d’une casse et l’effet de surprise, mon cœur mettra du temps à retrouver un rythme normal !! Les minutes défilent lentement. Si l’heure a avancé de 10’ entre deux coups d’œil c’est déjà énorme ! 😉 Bref, la nuit était fatigante. 

Sinon aujourd’hui cela fait pile 1 an que Tobago a rejoint notre bord !! Il en a fait des découvertes depuis, et c’est désormais un marin aguerri 😄

Les prévisions météo se confirment et le vent forcit au petit matin. Avec le vent de face pas facile pour autant d’avoir et un bon cap et une bonne vitesse. On ajuste régulièrement et le capitaine use de savants calculs pour trouver le meilleur schéma. Qui dit vent qui forcit, dit mer qui se creuse. Levenez tape dans les vagues. Lorsqu’on est bâbord amure, le canapé du carré glisse. Et évidemment les bords les plus longs sont ceux bâbord amure 😁 

C’est donc régulièrement plusieurs heures très inconfortables. Seul le lit est une place agréable. On s’y relaye. Relai indispensable car au bout d’un moment, bien installé nul part, subissant les secousses de Levenez qui tape de plein fouet les vagues, la patience trouve sa limite ! Et puis 1h dans le lit, bien calé dans la couette et les oreillers, les idées s’éclaircissent et la suite devient plus supportable. Pour Tobago on tente une installation sur le plancher de la cabine arrière mais il n’est pas convaincu. Difficile pour chacun de trouver sa place. Les fonds de cale sont plein d’eau… 😞 Sûrement lié au pont trempé par les déferlantes. Il va encore falloir trouver d’où ça vient exactement. L’impact de ce genre de problème ce n’est pas seulement de vider l’eau des cales régulièrement, c’est aussi la préoccupation de l’esprit. Désormais, à chaque vague sur le pont, l’esprit imprime qu’une partie de cette eau va finir dans les cales, ça agace et ça préoccupe. À midi la journée est déjà très longue. On fait une trêve d’un quart d’heure au moteur face aux vagues pour, comme chaque jour, passer un coup d’aspi, secouer le draps du canapé (offrande à l’océan de tous les poils de Tobago 😄), et aujourd’hui : vider les fonds de cale ! « Trêve » c’est vite dit parce que face aux vagues à la petite vitesse du moteur, on s’épargne juste la gîte mais on ne gagne pas vraiment en confort ! Cette eau dans les fonds de cale fait ruminer nos esprits. Nous qui avions osé rêver ne rien faire sur le bateau aux Bermudes, nous percevons la liste qui est en train de se créer… C’est décourageant, et dur pour le moral de l’équipage (sauf Tobago, lui ça va !!). Ça + la petite nuit + la gîte et les vagues qui n’arrêtent pas depuis cette nuit, voilà le mal de mer qui me nargue. Aucun appétit, direction le lit. Moi qui m’était dit qu’un repas chaud remonterait le moral du capitaine, je l’abandonne encore une fois… 😔

La nuit commence. Le vent ne faiblit pas au contraire, la mer se creuse toujours davantage, la gîte est forte, la vitesse est moyenne et le cap est pas top! Ça s’annonce bien…

Finalement, c’est pas pire. Tobago accepte de rester à sa nouvelle place de bâbord amure. Le vent commence doucement à diminuer, Jed rentre la trinquette et sort le génois pendant son 2e quart. Quelle surprise lors de prendre mon dernier quart : le vent a tourné, nous sommes toujours au près serré mais dans le cap sans tirer des bords !!!! 🤩 ça c’est une sacrée nouvelle !! Espérons que ça dure 🤞🤞

24 mai 2022 * Jour 8

Aujourd’hui est un nouveau jour, essayons de reprendre la main sur le moral ! La nuit a fait du bien, et l’orientation du vent aussi. Le vent faiblit petit à petit, et la mer avec, ce qui rend la navigation moins intense. Et nous sommes toujours dans le cap sans virer de bord donc c’est une excellente nouvelle !! 

Ou tout ou rien : la pétole fait son retour. Nous allumons le moteur en soutien des voiles. Un dauphin vient furtivement nous voir mais il semble trop pressé pour rester jouer avec l’étrave de Levenez, dommage !! Merci quand même pour cette petite visite ! 

Cet aprem c’est coupage de cheveux pour Jed ! Enfin on racourci juste, il garde sa longue chevelure 😍

Dans cette ambiance calme, nous nous préparons un petit apéro. En sortant nous voyons un cargo faisant route droit sur nous (il n’est apparu à l’AIS que très tard). Avec ses 15 noeuds de vitesse il se rapproche très vite et nous passera juste derrière. Tobago est très intrigué !!

Après ce bon moment dans le cockpit je rentre préparer le repas. Nous sommes bien dans le timing pour les heures de quart c’est parfait. Jusqu’au moment où… je vois Tobago faire pipi sur le canapé !!!! 😫😫😫 Bon bah avant le repas c’est parti pour laver les draps et les coussins… Juste quand le soleil se couche, idéal ! 👌 Après un bon moment puni, on le réconforte. Et voilà que dans le soulagement de ces émotions, il refait pipi à l’intérieur !!! N’importe quoi ! 😒 Le tout nettoyé, on dîne finalement. Le vent quant à lui est revenu et nous glissons à 6noeuds sur une mer plate. Ça fait plaisir !!!

25 mai 2022 * Jour 9

La nuit a été un peu décousue. Deux fois pendant mon quart je me suis retrouvée avec le génois à contre. Une fois car le pilote réglé en mode vent a bloqué la barre en butée à cause du trop peu de vent, et une fois car le vent a tourné en 1 minute. Les deux fois Jed a dû venir m’aider à récupérer le bazar. Alors que quelque minutes avant j’étais toute fière d’avoir fait un virement de bord bien propre, sans avoir besoin de le faire lever !

Un petit vent sympa revient à l’aurore, je me tente à quelques réglages de voiles approuvés par le capitaine à son réveil 😁 On entend quelqu’un à la VHF, la terre n’est pas loin !!! Il ne reste que 50 petits miles nautiques mais l’instabilité du vent en force et en direction rend l’estimation d’arrivée encore bien incertaine. 

La température s’est bien adoucie. Le soleil dans le cockpit en pleine journée est maintenant très agréable. 

Jed profite du calme ce matin pour résoudre un problème moteur : il ne démarre plus. Pas très pratique pour l’arrivée 😬 Ça ne devrait pas être grave, juste être un faux contact quelque part, sauf qu’il a beau titiller les fils et mettre du nettoyant contact, rien n’y fait. Finalement en chatouillant les relais ça démarre !! 🙌 Espérons que ça démarre pour l’arrivée car le chenal obligatoire que nous devrons emprunter n’est pas large, une arrivée à la voile n’est vraiment pas désirée !

La journée est toute paisible, avec une force et une direction de vent qui nous fait avancer à 6 noeuds dans le bon cap 👌 On savoure. 30 miles nautiques avant l’arrivée nous contactons le cross des Bermudes par VHF pour avertir de notre arrivée, selon leurs consignes. Mais ils sont trop occupés et nous demande de rappeler plus tard. Nous les recontactons 20 miles avant l’arrivée. Nos interlocuteurs sont très sympas et très carrés. Peu importe l’heure d’arrivée, il y aura les douanes pour nous accueillir et faire les formalités. Nous devrons nous mettre à quai.

Tobago est surexcité !! A-t’il déjà senti la terre ? Ou peut-être ressent-il quelque chose de nous qui dit que ce n’est pas un soir comme les autres ?! On aperçoit la terre. Ça fait tout drôle. Et à la fois c’est très naturel. C’est très étrange cette sensation d’être tout près, et à la fois si le vent mollit ça peut être encore long. On peut arriver dans 4h comme dans 10h ! 

Le ciel est couvert et la pluie tombe par endroit. Que ce serait chouette d’y échapper pour l’arrivée ! 🤞 

Et encore une fois, jusqu’au bout, c’est quitte ou double !! On passe de la pétole à 20 noeuds de vent, de face, avec les fonds qui remontent près des côtes et soulèvent la mer. Nous étions tout au calme et pensions arriver dans 2h. Nous voilà à tirer des bords bien loin du point d’arrivée. On rentre le génois pour mettre la trinquette, puis on prend 2 ris dans la GV. La nuit tombe. On rentre la GV et on sort le génois. Puis on affale tout et on met les gaz. Moteur à 2200 tours contre vents et vagues, à un moment c’est rigolo mais on voudrait arriver ! Évidement l’arrivée se fait, avec les conditions météo du jour, du côté au vent de l’île ! 

Entre temps le cross nous rappelle à la VHF. On leur avait signalé l’incertitude de notre moteur pour éventuellement avoir une assistance dans le chenal. Ils viennent aux nouvelles du moteur. Ils sont vraiment sympas ces coast guards. Toujours clairs, polis, remerciant de la moindre information qu’on leur donne et prêts à toute assistance nécessaire !

Arrivée dans le chenal. Jed à la barre, Pauline à l’avant avec une torche. Tout se calme, on avance doucement dans ce paysages enveloppé par le nuit, n’entendant que le son des grenouilles qui résonne. Le temps est breton : une petite brume humide revigore les esprits qui fatiguent. 

Arrivée sur le ponton des douanes. C’est pas la même ambiance qu’à la VHF ! Personne pour nous aider à amarrer, mais quelqu’un dans la minute qui suit pour nous dire de venir rapidement car ils voudraient aller dormir ! Tobago commence à réaliser que la terre est de nouveau à portée de pattes, il est tout fou !!! Mais pas le temps pour les réjouissances, on se fait déjà rappeler à l’ordre pour les formalités. Ensuite il faut dégager le ponton (toujours pour la même raison : ils veulent aller dormir). Sauf que là le moteur refait des siennes. Il démarre finalement après de nombreux essais. Direction le mouillage à côté. On pose l’ancre, on range les amarres et les pare-battages, et on ouvre une bière !! Il est minuit, on est officiellement arrivés aux Bermudes !!!!!!!!! Tobago est comme un dingue !! C’est trop drôle de voir sa réaction. D’habitude après une navigation il dort. Mais là, déjà il est amariné donc peu fatigué, et il a l’air d’avoir compris que la longue traversée est finie ce qui lui génère beaucoup d’émotions (s’il savait que Bermudes-Açores nous attend…!) !! Il court et saute partout, retourne sur toutes les zones du bateau (intérieur, avant, passes-avant, sous la baume, sur les coffres, …). Il profite aussi de la stabilité pour aller chercher je ne sais quoi dans un petit coin au pied du poste de barre. Ça faisait déjà 2 jours qu’il reniflait cet endroit mais les mouvements du bateau l’empêchaient de faire cette acrobatie (le lendemain on découvre que c’est un poisson volant, il finira par réussir à l’attraper… et le manger !! 😆) On va se coucher, tout contents d’aller en même temps dans le même lit 🥰, réalisant à peine que nous sommes arrivés, et tout impatients de découvrir le paysage qui nous entoure. Paraît-il que l’arrivée dans le chenal est magnifique, nous le découvrirons à la sortie ! 

Bilan à chaud 🤓

 

⛅️ Météo : jusqu’au jour 5 j’aurais dit IDÉALES, surtout pour la première traversée de Tobago !! Il s’est rendu compte tout en douceur qu’il peut et doit manger, dormir, faire ses besoins, jouer tout en naviguant. Ensuite bah… On est passé d’un mouillage géant et sublime au près serré puis re pétole, puis re près serré dans du vent, puis près serré dans la pétole, puis re du vent fort de face ..! Voilà voilà 😃

💤 Quarts : 

    • durée : 3h, entre 19h et 07h
    • celui qui veille dort généralement dans le carré et fait un check toutes les 20’ – il regarde visuellement l’horizon à l’affût de lumières de bateaux (confirmé ensuite par l’AIS), il vérifie que nous avançons dans le bon cap, que les données sont cohérentes (force et direction du vent par rapport aux réglages de voiles), il ajuste les voiles, regarde aussi le ciel pour essayer d’identifier des menaces de grains (confirmé ensuite par le radar)
    • Le sommeil a été plutôt réparateur vu les conditions météo, au total on dormait entre 6 à 8h la nuit
    • C’est Jed qui prend le 1er quart d’une part car je m’endors plus facilement que lui le soir et d’autre part car il arrive souvent que le vent change à la tombée du jour, il peut ainsi faire les réglages les plus optimales pour la nuit 

🥘 Bouffe : 

      • toujours agréable d’avoir des plats prévus d’avance. En revanche on remarque que tout ce qui est crème fraîche, lardons, oignons, et autres produits fort en goûts ne font pas très envie. A l’avenir on évitera donc les quiches! Le plus efficace étant pain accompagné (fromage, rillettes, …). 
      • Encore une fois les légumes se sont très mal conservés. Je crois qu’on va abandonner l’idée de prendre des légumes frais à bord ! Sauf les carottes 🥕👍
      • Globalement le matin c’était gâteaux ou céréales & thé ; le midi sandwich ou pain accompagné (fromage, rillettes, mousse de foi de canard, …), le soir un « plat » type croques monsieur, pizza, purée (maison 😁) knacky, pâtes, …

🐕 Tobago : il s’est incroyablement bien adapté (merci les conditions météo toutes douces !!). Il n’était pas du tout malade ni effrayé. Juste fatigué les premiers jours. Comme nous, son corps avait moins d’énergie, un plus petit appétit, mais au fur et à mesure de son amarinage il les a retrouvé. Comme nous aussi il avait chaud, et donc perdait énormément de poils !! L’aspirateur quotidien était indispensable ! (Non ce n’est pas mon côté maniaque!! C’est Jed qui en était le plus demandeur!! 😜)

🛠 Problèmes rencontrés : les premiers jours il y a eu quelques trucs à régler, rien de grave. Je n’en fais pas la liste car ça n’a pas été lourd moralement à gérer. Les conditions clémentes nous ont permis de régler les soucis tranquillement et au fur et à mesure. En revanche l’eau dans les fonds de cale était vraiment pénible. Surtout que c’était au près, l’allure où on a pas du tout envie d’avoir la tête dans les cales! 

⛵️ Voiles sorties : la totale : GV, génois, trinquette, spi asymétrique, spi symétrique !

🧭 Record de miles journalier le plus bas : 61

🧭 Record de miles journalier le plus haut : 165

🐟 Nombre de poissons volants ramassés sur le pont : 1 + 1 attaque de nuit 😅 (très peu par rapport à l’aller)

🐠 Nombre de poissons pêchés : 0

🎣  Nombre de fois où on a mis la canne à pêche : 0 😝

⛵️ Nombre de voiliers aperçus sur l’eau : 2 – très loins, non visibles sur l’AIS 

🐳 🐬 Animaux marins rencontrés : 1 dauphin, très rapidement 

Autres animaux rencontrés : beaucoup d’oiseaux 🐦, de différentes races, ce qui nous a étonné si loin des côtes.