Après plus d'un an à bord de Levenez : le bilan

Qu’est ce qui nous manque le plus ?

On ne parle pas des proches évidemment. C’est le plus fort. Et c’est un apprentissage. Penser à eux, se souvenir des moments partagés, mais apprendre à le faire joyeusement. Accepter de ne pas être physiquement avec eux mais rester profondément unis à eux. Sans tristesse, juste avec amour. 

Matériellement, pas grand chose en fait. Bien sûr parfois on aimerait que la logistique des courses, des lessives etc. soit moins énergivore. Mais une fois fait, c’est vite oublié.

La nourriture oui parfois. Jusqu’au Antilles, les coquillettes nous manquaient !! Et oui, on les aimes bien ces petites pâtes de bébés ! Et elles se faisaient rares avant d’arriver aux Antilles dans des îles françaises. Et puis le fromage bien sûr !! Difficile d’en trouver (hors vache qui rit et « fromages » anglais sans goût), et surtout abordables ! 

Internet il faut avouer qu’on a du mal à s’en passer. On est souvent restreints et c’est un vrai effort pour se limiter. 

Pour le reste, en fait, on se passe de beaucoup de choses facilement dans un cadre de vie pareil !

Qu’est ce qui est le plus dur ?

Il n’y a pas de numéro gagnant à cette question ! La gestion des problèmes sur le bateau demande beaucoup d’énergie et ce n’est pas toujours facile de rester zen, de faire chauffer les méninges pour imaginer une solution, d’utiliser sa force et sa patience pour la mettre en oeuvre en suant à grosses gouttes, d’accepter que la solution ne fonctionne pas ! Mais ça nous apprend tellement, en dépassement de soi, en bricolage, en patience qu’on ne voudrait pas que ce soit autrement (enfin on le dit facilement là, en pleine action vous entendriez plutôt des soupirs et quelques râlements!)

La prise de décision en cas d’onde tropicale menaçante est aussi parfois compliquée. D’une part ça vient contrarier tous les plans et surtout l’enjeu est de taille. Il faut décider vite, car quand l’onde tropicale devient menaçante, si la décision est de partir, il faut le faire vite pour que la navigation ne soit pas impactée par les variations climatiques.

Autre domaine : maîtriser ses pensées et éviter d’imaginer des scénarios dramatiques pour nos proches, en se demandant si là immédiatement on pourrait rentrer s’il arrivait quelque chose ! 

Le temps n’est pas trop long ?

NON !! 😃 Comme dans notre vie terrestre, le temps file à toute allure. A la différence que nous prenons le temps de faire les choses. Entre la logistique quotidienne (repas, vaisselle, ménage, courses, lessives), les navigations, les routages et formalités, l’entretien du bateau, les découvertes, les loisirs que nous offre la mer, les rencontres et moments partagés, on est bien occupés. Mais souvent paisiblement, en ayant le temps de faire les choses. Parfois avec beaucoup d’intensité s’il y a un risque sécuritaire, mais c’est un stress que nous ressentons sain.

Est-ce qu’on ne se tape pas dessus toutes les journées ensemble sur le bateau ?

NON !!! 😍 C’est une question qui nous est souvent posée. 41 pieds est de toute façon suffisant pour avoir des espaces de tranquillité parfois. Au delà de l’habitabilité du bateau, l’immensité qui nous entoure nous donne tellement d’espace d’esprit et de vie. Mais surtout quelle chance nous avons justement d’être toujours ensemble, de s’aider dans les travaux & tâches à faire, de découvrir à deux, de rencontrer toujours ensemble, de se dépasser avec l’aide de l’autre et de s’émerveiller du dépassement de l’autre, sans essayer de concilier deux vies professionnelles parallèles. Bien sûr certains moments sont parfois moins joyeux, pas plus que dans une vie à terre. C’est souvent lié à des problèmes extérieurs (pression engendrée par un problème sur le bateau par exemple), on apprend alors chaque fois à mieux faire à deux. Parce qu’une réaction, une attitude, impacte forcément l’autre. Pas le droit de laisser traîner à bord, il faut apprendre à faire / réagir différemment si ça ne fonctionne pas comme tel. 

Ce n’est pas toujours la même chose finalement les îles ?

Non! 🤩 En tout cas on n’est pas lassés des cocotiers, des belles plages, des paysages verdoyants ou au contraire arides, des couleurs offertes par le soleil dans le ciel ou sur la terre ! Le ciel, la mer ont milles facettes. Les paysages changent au fil des heures et de la météo. En revanche on a toujours une grande soif de découvrir. Il ne s’agit pas de faire tous les endroits incontournables des lieux dans lesquels on passe, mais plutôt de laisser ses yeux se poser sur de nouveaux paysages avec ses subtilités uniques. Quand on reste longtemps sur la même île, le désir de repartir découvrir se fait pressant !

Qu’est-ce qui nous fait sourire aujourd'hui avec ce petit recul ?

D’avoir imaginé faire le tour du monde en 2 ans !! 😅 Deux ans de voyage c’est bien, le tour du monde c’est bien, mais les deux ensemble devient une course totalement axée sur la navigation, au détriment – selon nous – de la qualité du temps à deux que nous souhaitons et des découvertes & rencontres qui nous portent tant. 

Qu’est-ce qu’on pense de ce qui nous avait été dit avant qu’on parte ?

Les expérimentés nous avaient dit : pas de plans possibles en mer ! Et c’est notre réalité !! Le COVID en rajoute une bonne couche dans les incertitudes. Ça apprend l’adaptabilité, l’abandon, la confiance et la joie de ce qu’on a à l’instant présent. 

Les plus sages nous avaient dit de prévoir tout ce qu’on peut, notamment en pièces de rechange pour l’entretien du bateau, comme si tous les problèmes arriveraient en pleine mer sans magasins ni réseau pour avoir de l’aide. Pour le moment nous n’avons eu que la transat comme expérience de grand isolement. Le covid a orienté nos navigations surtout sur des îles françaises plutôt bien fournies. Mais on est bien contents d’avoir cette mentalité prudente qui rassure et sera sûrement utile pour la suite de l’aventure. 

Et Tobago dans tout ça, pas de regrets ?

Oh que non !! Bien sûr il y a de nouvelles contraintes (matérielle, de propreté, administratives, d’énergie, de soucis, …) mais on ne regrette jamais un peu d’amour et de joie !! 🥰

A refaire, on referait pareil ?

OUIII !! 🤪 Bien sûr parfois c’est tentant de se dire que « telle décision » aurait été mieux ou plus simple. Mais chaque problème nous a tellement appris. Et on se sent si bien ensemble sur notre cabane flottante qu’on ne veut rien de différent. 

Et la suite alors ?

On ne parle pas de suite, on parle d’instant présent !! 😜 La visibilité à plusieurs mois est trop compliquée, en tout cas lorsque nous faisons des plans aussi loins ils sont rarement tenus !! A cause de la météo, du covid, des règlementations des pays, des aléas rencontrés sur le bateau, de nos désirs qui évoluent. A plus long terme, et ben… c’est pas beaucoup plus clair !! Soit on maintient la durée initiale du projet, on revient dans les Antilles après la saison cyclonique puis on rentre en métropole. Soit on continue la route vers l’Ouest (Panama, Pacifique, …) ce qui allonge la durée du voyage, et on remplira la caisse de bord en route !